"PERIPHERIE"
Travail en cours-2021
Comment appréhender le voyage dans sa ville ? Qu'elles soient administratives, architecturales, fonctionnelles, humaines ou encore émotionnelles, peut-on cartographier ses frontières, saisir ses limites ?
Mon besoin d’ailleurs conditionne mes voyages. Le lointain a toujours été la condition sine qua non à mes envies photographiques. En mars 2020, La pandémie de covid 19 a mis le monde sur pause. En janvier 2021, après quasiment un an sans appétence photographique, j'ai entrepris de flâner dans la ville de Lyon. J'y habite depuis bientôt 15 ans, pourtant il m'avait toujours été impossible de la photographier. Entre couvre-feu et confinement, nous connaissions alors un cadre strict régissant nos heures de sorties. Face à la limitation de l’espace, l’irrépressible urgence de m'évader s'est faite sentir. Nécessité vitale et déambulation dans l'espace ignoré bordant mon quotidien, je me suis laissé glisser dans les zones périphériques. J'ai dès lors retrouvé des sensations bien connues. Un puissant moteur sensitif identique à celui qui m'animait lorsque je partais loin de ma ville d'adoption, entité que j'ai toujours adorée par ailleurs. Dès lors j'ai essayé de comprendre et d’illustrer les seuils, le glissement ; percevoir les frontières urbaines en suivant le mode opératoire simple de la déambulation libre et aléatoire. La ville ne se dévoile jamais de la même façon en fonction des saisons ou des moyens de locomotion inhérents au monde urbain : à vélo, à pied ou en transports en commun, l'infinie dérive entraîne la multiplicité des éprouvés comme autant de manière d’être à l’errance de nos esprits hagards. Où se situe la limite de mon quotidien, est ce que le voyage commence à deux pas de chez moi, qu'est ce qui le constitue ? Le territoire proche, instantané nous offre dans sa densité des réalités sociologiques farouches. Ces constats documentaires et pourtant ordinaires font paradoxalement écho tout au fond de moi à mon amour de la poésie de la déliquescence. Ce paradoxe prendra forme dans un premier temps en fixant des marqueurs grâce au document photographique et à mes notes tout en me laissant glisser dans une flânerie innocente et sensitive au gré des surprises visuelles et humaines. La transition est-elle abrupte entre centre-ville et zone périphérique ? Arrivera dans un second temps un travail de réflexion qui commencera à la rentrée 2021, m'entourant de différents corps de métiers : sociologues, géographes, architectes entre autres. Cette collaboration tentera de désenclaver le simple constat iconographique. Le propos sera poussé plus en profondeur pour répondre à toutes ces questions relatives bordures de la ville, ses zones péri-urbaines et à la croissance continue de la ville dans ses différentes problématiques. « Périphérie » n'est pas un inventaire précis mené par un citoyen pendulaire. Georges Perec a ces mots d'une justesse implacable pour parler du banal qui m'éblouit tout autant que lui : « Mon propos : ce que l'on ne note pas, ce que l'on ne remarque pas, ce qui n'a pas d'importance, ce qui se passe quand il ne se passe rien sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages... » Écouter la respiration d'une ville qui s'étire, faire parler la matière et plonger dans une psycho géographie envoûtante. L'anthropocène des zones périphériques, cette somme de constats triviaux, communs, où s'égarer devient un art et le hasard un plaisant compagnon ; c’est toute cette diversité de figures que la périphérie nous révèle.